L’amour qui m’a donné des yeux
par Joë Bousquet
Parler, une chanson d’argent qui s’élève à la vie
Parler pour qu’une passante devienne de la lumière qui
m’écoute et qui s’avoue combien une solitude est profonde
Parler, la route dans la neige, le silence des voitures arrêtées
devant les maisons
*
Ouvrant autour d’elle la nuit protectrice où je me sentais
m’enfoncer
Des mains où la chair était aussi légère que le regard, flot-
tait sur lui comme un miroir pour le ciel qui passait
Un cœur pour que ma douleur me conduise
De grandes ailes lasses dans ces jambes brisées pour qu’un
rayon vivant éclaire ce qi n’est pas dans une image qui nous
appelle,
Des bouches dans la chair, toutes les ardeurs qui soulèvent
un corps sur l’oubli de lui-même.
*
Ma chair dans mes yeux, un miroir d’eau pure sur la terre,
Un abîme dans ma stupeur où se lève la toute-beauté de
son visage comme un regard rayonnant dont sa chair se ferait
une proie.
Quelle douce main dans ces yeux ouvrait les yeux du jour ?
*
Tu le sauras. La nuit sans mouvement que ton œil cache
avec du ciel
Habille de tes larmes l’âme qui dit que tu n’es pas.
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Love gave me eyes
Words, a song about money rising to life
Talk so that a woman passing by might become light
listening to me and avowing how deep solitude is
Speak, the road in the snow, the silence of parked cars
in front of the houses.
*
Opening around her the protective night into which I could feel myself
sink
Hands with flesh as light as the gaze, floating
on him like a mirror for the passing sky
A heart so my pain can lead me
Large weary wings in those broken legs so that a living
ray can illuminate what is not in an image
calling us,
Mouths in the flesh, all the passions that lift
a body on its abandon.
*
My flesh in my eyes, a mirror of pure water on the earth,
An abyss in my awe where rises the very beauty of
her face like a radiant look on her flesh
as prey
What soft hand in those eyes opened the eyes of the day?
*
You will know. The still night that your eye hides
with some sky
Dresses in your tears the soul that says you are not.
(English Translation, © Leonora; all rights reserved.)
"L’amour qui m’a donné des yeux" was published in Transition, No. 22, 1933
Background: Transition: A Quarterly Review