La voie du sang
par André Richaud
A Pierre Seghers
Cet amour dénoué à travers les champs
Ce poignard sanglant dans les rochers
Ce vent mortel traîné par de fausses hirondelles
Voilà ma pauvre vie.
Il faudrait pouvoir traverser le miroir
Pour vous atteindre ô vous qui m'aimez
Mais il y a du sang jusqu'au plus profond de ma jeunesse.
Je suis comme la mer plein de villes flottantes
Je suis comme le ciel peuplé de nuages ennuyés
Ma vie, au fond des ravins
Tremble chaque nuit jusqu'à l'aube
Et moi je rampe tout nu dans un songe de mort.
Bêtes de mon sommeil, regardez-moi qui tombe
Fontaines habitées
Fontaines de mes mains où les dix sources grondent
O collier des forêts !
Colliers d'arbres en fleurs par qui le monde espère
Vous m'étranglez chaque matin
Et chaque soir les bleus de vos ongles mystères
Etouffent l'avenir dont je suis possédé.
Ne pas pouvoir sortir de ce lacis de veines
Et cet étrange piétinement à gauche de ma poitrine
Contre lequel je ne peux rien ...
Ô mort regarde fixement cette ligne rouge à mon cou
Chaque nuit des cordes tendues m'entraînent au ciel.
Seules mes mains me guident parmi les planètes
muettes d'étonnement.
Aigles de cristal brûlant sur les cimes
Torches de plumes qui jalonnent ma vie
Sources fumantes dans l'amour qui tombe
Lorsque s'est levé le vent de l'au-delà
Vous êtes ce masque, qui riez quand je saigne
De toutes mes plaies cachées.
Quand je ferme les yeux un monde invisible étincelle
Quand j'ouvre mon cœur une fumée chargée d'oiseaux
Se lève à gauche derrière mon cœur.
O corps aimé qui me cherche sans jamais m'atteindre
et dont le regard d'argent m'étouffe
lacet de songe
qui me tirera jusqu'aux abîmes miroitants de la mort.
La neige, la neige, la neige
Tuez-moi, de la neige et que ce soit fini.
La confession publique
Pierre Seghers éditeur, 1944
**Translation into English**:
The blood path
That love unravelled across the fields
That bloody dagger in the rocks
That deadly wind dragged by false swallows
Such is my poor life.
One would need to go through the mirror
To reach you O you who love me
But there is blood down to the very depths of my youth.
I am like the sea full of floating towns
I am like the sky filled with troubled clouds
My life, at the bottom of the ravines
Trembles every night until dawn
And I, I crawl naked in a dream of death.
Beasts of my slumber, look at me falling
Inhabited fountains
Fountains of my hands where the ten sources rumble
O collar of the forests!
Necklaces of trees in bloom that make the world hope
You strangle me each morning
And every night the bruises of your mystery nails
Stifle the future of which I am possessed.
Not to be able to get out of this network of veins
And this strange standstill to the left of my chest
Against which I am helpless…
O death stare at this red line on my neck
Every night stretched ropes take me to heaven.
Only my hands guide me among the planets
muted with surprise.
Crystal eagles burning on the summits
Feather torches lining my life
Smoking springs in the falling love
When the wind of the beyond rose
You are that mask, laughing
When all my hidden wounds bleed.
When I close my eyes an invisible world sparkles
When I open my heart a bird-laden smoke
Rises to the left behind my heart.
O beloved body that searches for me without ever reaching me
and whose silver gaze chokes me
lace of dream
and will pull me to the enticing abyss of death.
The snow, the snow, the snow
Kill me, some snow and let it be over.
(English Translation, © Leonora; all rights reserved.)